41
Bella se réveilla. Elle émergea lentement d’un océan d’inconscience, d’un sommeil si proche de la mort, si proche de la non-existence, qu’il se confondait avec elles. Elle ne savait pas où elle se trouvait, mais elle avait l’impression de connaître cet endroit. Elle était déjà venue ici dans un lointain passé, ou dans un lieu similaire qui lui avait inspiré la même impression de calme et d’enchantement. Une acceptation sereine l’envahit, le sentiment puéril de se trouver entre des mains infiniment sages, infiniment savantes. Elle s’était réveillée dans un bassin d’eau peu profonde dont le gazouillis évoquait les rires d’enfants heureux. Elle tendit la main vers le ciel factice et ressentit mille échos de déjà-vu.
— Bella, tu es de retour, murmura gentiment quelqu’un.
Elle n’était pas seule, comprit-elle graduellement. Quelqu’un avait observé avec attention les premiers signes de son réveil : un homme assis par terre, les mains sur les genoux. Il détourna le regard, comme pour observer un oiseau ou un papillon rare qui se serait posé sur une pierre à côté de lui.
— J’ai froid, dit-elle.
— Je t’ai apporté une robe. Assieds-toi, tu veux bien ?
Il lui tourna le dos pendant un moment et elle trouva la force de se redresser dans l’eau fraîche. Une force incroyable, mais fuyante, aussi… Après tout ce temps, elle avait le plus grand mal à contrôler ses gestes. Une robe se drapa autour d’elle, puis la sécha et la réchauffa, collée à sa peau.
— Tu me comprends, c’est évident, mais est-ce que tu te souviens de moi ? lui demanda l’homme.
À mesure que le sang affluait dans les yeux de Bella, le visage de l’inconnu se précisait, reprenait peu à peu des couleurs.
— Je crois que je vous connais, oui.
— J’avais l’air plus jeune, à l’époque. C’est moi, Bella, c’est Ryan, lui précisa-t-il en se redressant.
— Ryan…
— Tu te souviens, n’est-ce pas ?
— Axford… chuchota-t-elle, comme si ce nom était un sésame qui allait lui donner accès aux mystères les plus sacrés de la création.
— C’est bien, acquiesça-t-il, ravi.
— Tu étais un petit garçon…
— J’ai repris de l’âge, depuis le temps. Tu nous as quittés il y a plusieurs années.
Elle ne se souvenait presque de rien. Elle n’avait qu’une seule certitude : elle avait connu un homme du nom de Ryan Axford dans sa vie antérieure, un homme qui s’était montré bon avec elle à plus d’une occasion, et qui à une époque avait ressemblé à celui qui se tenait devant elle.
— Que m’est-il arrivé ?
— Tu as été morte. Tu as été morte et elles t’ont ramenée parmi nous.
— Elles ?
— Les Fontaines.
Il y avait quelque chose, là. Un souvenir fugace, qu’elle faillit attraper au vol.
— Les extraterrestres.
— C’est bien, Bella, c’est très bien. Tes souvenirs vont te revenir au fur et à mesure.
Elle sortit du bassin. Ses mains… À la fin, elles lui faisaient atrocement mal, elles étaient devenues inutiles… pourquoi ? Mais la douleur avait disparu. Elles étaient lisses et souples à nouveau, comme les mains expressives d’une danseuse balinaise. La douleur, la raideur ou l’infirmité qui l’avaient accablée dans son corps d’avant n’étaient plus qu’un mauvais souvenir.
— Où suis-je ?
— À l’ambassade… la nouvelle, je veux dire.
L’ambassade… Dès qu’elle chercha à rassembler les souvenirs qu’elle conservait de ce lieu, ils s’empêtrèrent dans la vague impression qu’une catastrophe s’était produite, un peu comme le léger malaise qu’on ressent au réveil après un cauchemar…
Il s’était passé quelque chose de terrible.
— Janus, dit-elle.
— Tu te rappelles comment ça s’est terminé ?
Le visage d’Axford lui était familier, mais les marques et les taches de vieillesse trahissaient un homme plus âgé que celui qu’elle avait connu.
— J’ai commis une erreur.
— Non, Bella, pas toi.
Sans vraiment comprendre ce qu’elle disait, elle ajouta :
— Je suis allée chez les Chiens Musqués, et ils m’ont roulée dans la farine. Et tout a mal tourné.
Pendant un instant, Ryan l’observa sans prononcer un mot.
— Des erreurs ont été commises, c’est vrai, mais ce qui compte, maintenant, c’est d’aller de l’avant. Sans nous appesantir sur nos vieilles erreurs de jugement, lui dit-il.
L’odeur des Chiens Musqués lui revint soudain à l’esprit. Cette odeur s’était imprimée au plus profond de son cerveau, court-circuitant des processus plus lents, plus rationnels.
Et ce souvenir remua autre chose.
— Svetlana… Qu’est-ce que… ânonna-t-elle du ton paniqué de quelqu’un qui vient de se rappeler une tâche urgente en attente.
— Svetlana est partie, Bella. Il n’y a plus que toi. Laisse-moi te montrer…
Il lui tendit la main.
Tous deux quittèrent le jardin des réveils. Ils passèrent une double porte aux vitres opaques, empruntèrent une sorte de galerie bordée d’un côté par une grande baie vitrée. Derrière la baie, c’était le noir complet. Il lui tenait toujours la main, sa main rugueuse de vieil homme tenant fermement les doigts lisses de Bella.
— Tu te souviens de Svetlana, alors ?
— Oui, c’était mon amie.
— Mais elle ne l’a pas toujours été.
— Non. Pas toujours. Surtout à la fin.
Dans la tête de Bella, des connexions se réactivaient.
— Tu te souviens de ce qui est arrivé à Janus ? Après les Chiens Musqués… Ils t’ont bernée, et après, tu te rappelles ? lui demanda-t-il avec un sourire crispé.
— Nous avons dû partir. Procéder à une évacuation.
— Pourquoi ?
— Janus allait exploser. Les Chiens, ils avaient…
Le simple fait de penser à ces événements la plongea dans un profond malaise. Le bien-être éprouvé dans le bassin s’était volatilisé, balayé par une lame de peur et d’amertume. Axford dut ressentir sa tension car il serra sa main encore plus fort.
— Que s’est-il passé ? lui demanda-t-elle d’une voix craintive de petite fille.
— Janus a explosé, mais nous avons survécu, pour la plupart. Nous avons évacué à temps Crabtree et les autres implantations, et le passe nous a permis de gagner la cavité suivante pour échapper à l’explosion.
— Svetlana… Elle est morte, c’est ça ? J’y suis retournée… j’ai retrouvé son corps… mais c’était déjà trop tard…
À nouveau, Axford perçut sa tension.
— Non, elle a survécu elle aussi, Bella. Mais après l’explosion de Janus, elle a dû prendre une décision, et ça n’a pas été facile.
Il soupira, comme accablé à l’idée de devoir lui révéler la suite.
— Les Chiens Musqués ont fait sauter Janus pour trouer la Structure. Tu te souviens de la Structure ?
— Oui, répondit-elle après un instant d’hésitation.
— Et ça a marché. Janus a creusé un trou de mille kilomètres de large dans la paroi, à travers la matière et les champs de force. Mais Jim nous avait expliqué que ce trou ne durerait pas, et il avait raison. La paroi a immédiatement commencé à se réparer. La Structure cicatrisait déjà, elle rapiéçait l’accroc. En quelques jours, le trou aurait disparu. Or, c’était notre seule chance de quitter la Structure avant très, très longtemps, et Svetlana le savait.
— Elle est partie…
— Oui. Elle est partie en connaissant les risques. D’après Jim, une seule culture avant la nôtre a réussi cet exploit dans toute l’histoire de la Structure, et on n’a plus jamais eu de ses nouvelles. Mais Svetlana s’est entêtée. Le temps manquait, mais elle a réussi à persuader les Fontaines de lui faire cadeau des technologies qu’elles nous refusaient jusqu’alors. De toute façon, depuis les révélations de Chromis et des Chiens Musqués, leurs arguments ne tenaient plus. Svetlana et ceux qui l’ont suivie sont partis à bord du Cosmic Avenger, équipé d’un gros propulseur de translation, d’un creuset et d’un bon paquet de fichiers, de quoi améliorer leur quotidien une fois en route.
— Le Cosmic Avenger… répéta Bella avec un petit sourire.
Une mauvaise blague, ce nom, elle le pensait depuis toujours. Quelle idée de baptiser ainsi un vrai vaisseau spatial !
— Ils sont passés, mais de justesse. Les champs de force se reconstituaient déjà. S’ils avaient attendu un jour de plus, ils se seraient retrouvés piégés à l’intérieur, avec nous.
— Combien de personnes ai-je… a-t-elle emmenées avec elle ?
Une vague inquiétude vite réprimée assombrit les traits de Ryan.
— Trente. Svetlana, Parry, Nadis et les autres… ses partisans, ceux qui l’ont toujours soutenue, plus une douzaine de personnes qui n’étaient même pas nées à l’époque mais qui ne pouvaient pas envisager de passer une minute de plus dans la Structure.
— Et c’est tout ?
— Oui. Ils n’ont pas eu à refuser beaucoup de monde. Pendant qu’ils constituaient leur équipage, la rumeur s’est mise à circuler, tu sais, sur cette culture, celle dont on n’avait plus jamais entendu parler… La majorité des survivants s’est montrée franchement ravie à la perspective de rester bien à l’abri dans la Structure, du moins pour le moment.
Une question évidente s’imposa immédiatement à elle :
— Qu’est-il arrivé à ceux qui sont partis ?
— Nous l’ignorons. Nous espérons qu’ils sont encore en vie, qu’ils ont trouvé dehors de quoi assurer leur subsistance. Leur objectif, c’était de trouver un système solaire qui leur offrirait un monde chaud et humide. Nous n’en savons pas plus.
— Pour quelle raison ? insista-t-elle, comme si connaître le destin de Svetlana était devenu la chose la plus importante au monde.
— Ils ont continué à nous envoyer des données après la traversée du mur, mais au bout d’une journée la réception est devenue franchement difficile : le trou se refermait. Au bout de deux jours, nous ne les détections déjà plus du tout.
Petit à petit, d’autres souvenirs s’enclenchaient.
— Ils ont vu la Structure de l’extérieur, alors ? s’exclama-t-elle, ébahie.
D’un grand geste du bras, Axford anima la sombre surface vitrée. Il y avait du panache dans ce mouvement, la fierté tranquille du conspirateur qui a bien calculé son coup.
— Voici une photo prise une heure après leur départ. Ils étaient déjà passés à la translation et ils accéléraient, d’où une distorsion de l’image, mais nous l’avons corrigée grâce à nos logiciels.
C’était l’extérieur de la structure : un long cylindre vaguement lumineux, avec un trou déchiqueté sur le flanc. Des chiffres et des annotations surchargeaient l’image ; on sentait le travail forcené d’une équipe scientifique survoltée, avide d’exploiter ce filon de connaissances jusqu’au moindre hexel.
— Et maintenant, deux heures après le départ…
L’image changea brutalement d’échelle. Le cylindre ressemblait maintenant à une branche fine, et on ne distinguait presque plus le trou.
— Ce que tu vois, c’est le plus gros de la section entre les deux bouts que nous avions cartographiés, lui fit-il remarquer. La Structure émet de la lumière, comme tu peux le constater. Pourquoi, nous n’en savons rien, mais cela nous a facilité la tâche. Comme dirait Nick Thaïe, tu imagines, s’ils avaient dû prendre des images au radar ?
Bella avait l’impression de voir un cheveu humain coloré artificiellement et grossi au microscope.
— Et maintenant, six heures après le départ…
Le trou avait disparu. Même une flèche pointée sur la plaie dans le mur n’aurait servi à rien.
Pas plus épaisse qu’une vibrisse, des milliers de fois plus longue que large, la Structure n’était plus seule dans le champ de la caméra. Deux autres branches la croisaient en oblique, l’une un peu plus petite et plus foncée que l’autre.
— Douze heures après le départ. L’image a été corrigée deux fois, pour effacer les effets de la distorsion et ceux de la relativité. L’Avenger fonce à cinquante pour cent de la vitesse de la lumière.
Des dizaines de branches s’entrecroisaient dans le désordre le plus total, comme jetées au hasard dans l’espace. On aurait dit un gribouillage d’enfant vu de très très près.
— Vingt-quatre heures après le départ, maintenant. Une journée plus tard. Le signal devient très difficile à capter. Trame de moins en moins exploitable, conclut Axford.
Bella frissonna devant l’échelle inconcevable de ce qu’elle avait sous les yeux. La brindille s’était transformée en une forêt entière. En fait, les filaments de la Structure étaient organisés, cela sautait aux yeux à cette échelle infinitésimale. Douze heures après le départ, leur distribution paraissait encore aléatoire, mais à présent, Bella discernait bel et bien un ordre dans cette forêt : les filaments étaient rassemblés et tressés en faisceaux macroscopiques, cordes épaisses de plusieurs heures-lumière de diamètre, autrement dit plus larges que l’orbite de certaines planètes.
— Trente-neuf heures après le départ, la dernière image exploitable. L’Avenger fonce à quatre-vingt-dix pour cent de la vitesse de la lumière et il tient le coup. C’est juste avant l’accélération finale.
Une chose gigantesque envahit la baie vitrée, une chose immense et étincelante, sans doute conçue dans le seul but d’écraser l’esprit humain, se dit Bella. La Structure se révélait beaucoup, beaucoup plus grande qu’elle ne l’avait jamais imaginé. Aussi complexe qu’un cerveau avec ses nœuds et ses neurones, et aussi large qu’un système planétaire entier, c’était un tore de lumière incliné à un angle de quarante-cinq degrés. Il avait fallu trente-neuf heures à l’Avenger pour obtenir une image qui englobait le plus gros de la Structure.
— Regarde au milieu, lui dit Axford.
Bella s’exécuta. De nombreux rayons lumineux – chacun d’eux étant une tresse épaisse composée de centaines de brindilles – s’enfonçaient vers le cœur du tore, comme s’ils étaient conçus pour s’y connecter ou former un pont vers un autre nœud.
Sauf qu’au centre il n’y avait rien. Les tresses flottaient dans le vide, déchiquetées, telles des branches d’arbre frappées par la foudre.
— Il manque quelque chose. On dirait que la Structure est inachevée…
— Ou alors, elle a été en partie détruite. C’est peut-être la réponse à notre question, Bella.
— Quelle question ?
— Nous nous demandions ce qui avait pu causer la disparition des Spicains. Si tu veux mon avis, les animaux en cage se sont révoltés et ont saccagé le zoo…
Des fragments de conversation lui revinrent, comme une averse de souvenirs : un ami disparu, une femme d’une grande sagesse…
— Donc, les Spicains sont morts…
— Oui, ou alors ils se cachent. Dans les deux cas… ça change pas mal de choses, tu ne crois pas ?
Elle se sentit soudain submergée par ces vertigineux changements d’échelle.
— C’est gigantesque, ce truc ! Qu’est-ce que c’est ? Où est-ce que ça se trouve ?
— Nous l’ignorons. Nous n’avons pas assez d’étoiles ou de galaxies en arrière-plan pour nous donner une indication. Quand nous avons perdu le contact avec l’Avenger, il fonçait toujours dans la périphérie du tore. Si nous avions reçu des données pendant un jour de plus…
Bella contemplait l’image d’un air engourdi.
— Au moins, ils nous ont fourni celles-ci, Ryan.
— Svetlana s’est dit que cela pourrait nous rendre service. Depuis, nous avons cartographié les connexions locales sur plusieurs heures-lumière. L’équipe de Nick extrait sans arrêt de la trame des données supplémentaires qui permettent d’affiner cette carte.
— Mais ce n’est qu’une carte…
— C’est mieux que rien, Bella. D’après les extraterrestres, c’est exactement le genre de connaissances pour lesquelles certaines cultures seront prêtes à négocier.
— Autrement dit, nous avons quelque chose à vendre.
D’un geste de la main vers la baie vitrée, il fit disparaître la dernière image, bientôt remplacée par un noir absolu.
— Nous n’avons plus Janus. Nous devons donc tirer le meilleur parti de ce que nous avons pu sauver, reconnut-il.
— Oui, c’est comme ça qu’il faut s’y prendre.
Depuis un moment, un souvenir s’agitait dans son esprit avec une insistance désagréable, comme pour attirer son attention, et elle ne put lui résister plus longtemps.
— La dernière fois que je t’ai vu, tu étais jeune, Ryan.
— Tu veux savoir à quand ça remonte, je parie, lui dit-il tristement.
— Oui, je crois que cela m’aiderait.
Elle entendit à nouveau ce soupir gêné.
— Tu leur as donné du fil à retordre, Bella. Les extraterrestres n’ont pas voulu te ramener trop tôt, pour ne pas bâcler le travail. Et nous, nous ne voulions pas que tu reviennes avant, euh… avant que nous nous soyons retournés.
— Combien, Ryan ? Combien d’années depuis la réception de ces images ?
— Soixante et un ans.
Il fit un autre geste vers la vitre.
Les ténèbres s’évanouirent. Ils se trouvaient dans un puits, une région de la Structure semblable à celle où s’était enfoncé Janus, et Bella reconnut la lumière orange provenant de centaines de coulées de lave sinueuses qui se croisaient dans le lointain. En revanche, Janus avait bel et bien disparu. L’Habitat Haut, Crabtree et le Ciel de Fer s’étaient volatilisés. Axford et elle se tenaient quelque part au-dessus de la paroi, peut-être au dernier étage d’un édifice très haut ou dans un engin spatial en train de faire du surplace.
Axford lui désigna une partie du mur où la lueur des coulées de lave était éclipsée par une tache de lumière organisée en damier.
— Voilà New Crabtree. La plupart d’entre nous vivent sur le mur, maintenant.
La tache – qui faisait des dizaines de kilomètres de large, à vue de nez – étendait ses tentacules de lumière bleu clair jusqu’à des communautés plus petites situées à des centaines ou des milliers de kilomètres plus loin.
— Vous avez réussi. Vous avez fondé une nouvelle colonie.
— Cela n’a pas été facile. Les Fontaines nous ont aidés, bien sûr, mais la transition a vraiment été dure. Tu te souviens comme on en a bavé pendant l’Année du Ciel de Fer ?
Elle hocha la tête humblement.
— Eh bien, plus personne n’en parle, aujourd’hui, sauf dans les comptines enfantines. C’est de l’histoire ancienne. Depuis, on a traversé des épreuves encore plus difficiles.
— Et vous m’avez laissée dormir, soupira-t-elle, vaguement contrariée.
— La situation allait forcément s’améliorer, nous le savions. Il ne pouvait en être autrement.
— Et maintenant ?
— Maintenant, nous voulons que tu reviennes. New Crabtree t’attend, Bella. Il y a tout un tas de gens qui veulent te souhaiter la bienvenue.
— J’ai été absente pendant si longtemps… À quoi servirait…
Il ne la laissa pas poursuivre.
— La décision te revient. C’est Mike Takahashi qui dirige la ville, pour l’instant. Si tu lui proposes ton aide, il ne demandera qu’à partager cette responsabilité avec toi.
Quand Ryan mentionna le nom de Takahashi, elle se rappela qu’elle était à côté de lui lorsqu’il s’était réveillé de son sommeil de mort au royaume gelé des Anges de Glace. Elle l’avait aidé à s’adapter à un futur auquel il ne s’attendait pas et, aujourd’hui, Ryan l’aidait, elle, de la même façon. Elle savait qu’elle allait vivre des moments difficiles, et c’était réconfortant de savoir que quelqu’un l’avait précédée sur cette route.
Penser à Takahashi la ramena à la fin de Janus et à ceux qui y avaient trouvé la mort. Elle avait essayé de porter secours à quelqu’un, mais plus elle cherchait à épingler ce souvenir, plus il lui échappait.
Elle ne ressentait qu’une immense tristesse.
— Ce n’était pas Svetlana que je cherchais, n’est-ce pas ?
Elle s’efforça de déchiffrer l’expression grave et amicale de son ami.
— Qui était-ce, Ryan ?
— Nous allons y venir, lui dit-il gentiment en l’éloignant de la vitre.